
Le kidnapping qui a traumatisé la bourgeoisie française
En 1960, la France est en pleine croissance économique, mais les enlèvements à des fins de rançon restent rares. L’affaire Peugeot survient dans un quartier huppé de Neuilly, symbole de la réussite industrielle des Trente Glorieuses. La famille Peugeot, à la tête d’un empire automobile, incarne cette prospérité.
L’enlèvement se produit alors qu’Éric est en chemin vers l’école, accompagné par sa nourrice. Deux hommes en voiture le saisissent devant le 12, rue de l’Église. La méthode est brutale, presque improvisée, mais le choix de la cible est calculé : les ravisseurs savent que la famille a les moyens de payer.
Une traque policière sous pression médiatique
- 10 février 1960 : Éric est enlevé. Un appel anonyme exige 50 millions de francs.
- 12 février : La famille reçoit une lettre avec une mèche de cheveux du garçon, preuve qu’il est vivant.
- 14 février : La rançon est déposée dans un train Paris-Lille, comme exigé. Les ravisseurs récupèrent l’argent mais ne libèrent pas l’enfant.
- 16 février : Éric est retrouvé sain et sauf près de Chantilly, abandonné dans une voiture.
- Mars 1961 : Les principaux suspects, Marcel Barbeault et son complice, sont arrêtés et écroués à la prison de Versailles (Le Monde, 9 mars 1961).
L’affaire est suivie en direct par la presse, avec une couverture sans précédent. Paris Match titre : « Le rapt du siècle », tandis que les journaux radiophoniques diffusent des bulletins spéciaux.

Un choc national et des réformes policières
- Médiatisation et peur sociale :
- L’enlèvement d’un enfant issu d’une famille célèbre crée un électrochoc. Les parents de Neuilly et des beaux quartiers renforcent la surveillance de leurs enfants.
- La presse est critiquée pour son traitement sensationnaliste, accusée de mettre en danger l’enquête.
- Innovations policières :
- La Brigade de recherche et d’intervention (BRI), future Brigade criminelle, perfectionne ses techniques de filature.
- Première utilisation intensive des écoutes téléphoniques dans une affaire criminelle.
- Condamnations :
- Barbeault écope de 20 ans de réclusion. Son procès révèle un plan maladroit mais audacieux, motivé par l’appât du gain.
Quel héritage pour cette affaire ?
- Impact sur les enlèvements modernes :
L’affaire Peugeot a servi de modèle pour les protocoles anti-rapt, notamment le délai de 48 heures avant toute médiatisation. Aujourd’hui, le fichier des personnes disparues (FPR) intègre des procédures inspirées de cette époque. - Mémoire locale à Neuilly :
Si l’affaire n’a pas laissé de trace monumentale, elle reste un marqueur dans l’histoire judiciaire de la ville. Les anciens habitants se souviennent de l’atmosphère de suspicion qui régnait dans les années 1960. - Éric Peugeot aujourd’hui :
Contrairement à d’autres victimes médiatisées (comme le petit Grégory), Éric Peugeot a toujours refusé de s’exprimer publiquement. Vivant discrètement, il incarne le symbole d’un drame surmonté.

Les leçons d’un kidnapping fondateur
- Technologie vs. criminalité :
Les méthodes de 1960 semblent archaïques face aux outils actuels (géolocalisation, ADN). Pourtant, les enlèvements existent toujours, comme le montre l’affaire Mia en 2023. - Place des médias :
L’affaire Peugeot a posé les bases du dilemme entre information publique et sécurité des victimes, toujours d’actualité.
Si l’enlèvement d’Éric Peugeot appartient au passé, son écho persiste dans les mémoires, rappelant que les drames familiaux peuvent parfois changer les pratiques d’une nation.