« Dirty Corner » d’Anish Kapoor à Versailles : polémique, vandalisme et héritage

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Marc de Versailles Daily
En juin 2015, le château de Versailles, symbole de l’art classique et de la grandeur monarchique française, devient le théâtre d’une controverse artistique sans précédent. Dirty Corner, l’œuvre monumentale de l’artiste britannique Anish Kapoor, est installée dans les jardins du domaine, déclenchant une tempête médiatique et politique. Vandalisée à plusieurs reprises, qualifiée de "vagin de la reine" par la presse, cette sculpture provoque un débat sur la place de l’art contemporain dans un lieu chargé d’histoire. Dix ans après, que reste-t-il de ce scandale ? Retour sur un épisode qui a divisé Versailles et interrogé les limites de la création artistique.

L’art contemporain s’invite à Versailles

Depuis 2008, le château de Versailles accueille chaque année un artiste contemporain dans le cadre de son programme d’expositions temporaires. Jeff Koons, Takashi Murakami et Joana Vasconcelos y ont déjà exposé, mais c’est l’intervention d’Anish Kapoor en 2015 qui suscite le plus de réactions.

Dirty Corner, une sculpture en acier de 60 mètres de long et 10 mètres de haut, évoque une forme organique, entre grotte et conduit industriel. Kapoor lui-même la décrit comme une œuvre « sexuellement suggestive », mais ouverte à l’interprétation. Installée sur la pelouse nord du Grand Canal, elle contraste violemment avec le paysage ordonné dessiné par Le Nôtre.

Dès son dévoilement, la presse s’empare du sujet. Le Figaro (04/06/2015) titre : « Versailles : le ‘vagin de la reine’ d’Anish Kapoor crée la polémique », alimentant une controverse qui dépasse le milieu artistique.

Vandalisme et réactions en chaîne

  • Juin 2015 : L’œuvre est inaugurée dans un climat déjà tendu. Des critiques conservateurs dénoncent une « profanation » du domaine royal.
  • 15 juin 2015 : Première attaque. Dirty Corner est recouverte de peinture jaune, avec des inscriptions comme « Vive le Roi ».
  • 18 juin 2015 : Nouveau vandalisme, cette fois avec des tags antisémites (Kapoor est d’origine indienne mais perçu comme un « artiste mondialisé »).
  • Réactions officielles : Le château de Versailles condamne les actes et annonce un nettoyage. Anish Kapoor, furieux, déclare : « C’est une attaque contre la liberté de l’art. » (Le Monde, 18/06/2015).

La polémique s’étend au-delà des cercles culturels. Des élus locaux, comme des membres du conseil municipal de Versailles, réclament le retrait de l’œuvre, jugée « inappropriée ». À l’inverse, des défenseurs de l’art contemporain y voient une victoire de la provocation artistique.

Un débat national

L’affaire Dirty Corner a des répercussions immédiates :

  • Sécurité renforcée : Le château augmente la surveillance des installations temporaires.
  • Médiatisation internationale : L’œuvre, initialement peu connue, devient un symbole des tensions entre tradition et modernité.
  • Débat sur la censure : Faut-il limiter l’art contemporain dans les lieux historiques ? La question est posée dans les médias et jusque dans l’Assemblée nationale.

Quel héritage pour Dirty Corner ?

  1. L’œuvre aujourd’hui : Dirty Corner a été démontée fin 2015, comme prévu initialement. Elle n’a jamais été réinstallée à Versailles, mais des versions similaires ont été exposées ailleurs (notamment à Milan).
  2. Impact sur la programmation de Versailles : Le château continue d’inviter des artistes contemporains (en 2023, l’artiste contemporain Giuseppe Penone y a exposé), mais avec une communication plus prudente.
  3. Mémoire locale : À Versailles, l’épisode reste associé à une fracture culturelle. Certains habitants évoquent encore « l’affaire Kapoor » comme un moment de malaise.
  4. Kapoor depuis 2015 : L’artiste a poursuivi son travail provocateur (comme Cloud Gate à Chicago), mais évite désormais les installations aussi clivantes dans des lieux historiques.

L’art contemporain peut-il encore choquer Versailles ?

L’épisode Dirty Corner a montré que même un lieu aussi codifié que Versailles peut devenir un terrain de bataille culturelle. Aujourd’hui, la direction du château semble chercher un équilibre entre innovation et respect du patrimoine.

Les prochaines expositions seront-elles plus consensuelles ? Ou le public est-il désormais habitué à ces confrontations esthétiques ? Une chose est sûre : l’ombre de Dirty Corner plane encore sur les jardins de Louis XIV.

Sources citées :

  • Le Monde (18/06/2015), « La grande sculpture d’Anish Kapoor à Versailles a été vandalisée ».
  • Le Figaro (04/06/2015), « Versailles : le ‘vagin de la reine’ d’Anish Kapoor crée la polémique ».
  • Connaissance des Arts (2015), « Dirty Corner d’Anish Kapoor revandalisée à Versailles ».

Marc Dorier

Marc Dorier est un journaliste chevronné, reconnu pour son expertise dans le domaine des faits divers. Avec plus de quinze ans d’expérience sur le terrain, il couvre avec rigueur et réactivité les événements marquants de la région de Versailles et ses alentours. Son sens aigu de l’investigation et sa capacité à rendre compte des faits avec précision en font une référence dans le milieu journalistique local.